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Tous ceux-là auxquels ont été confiés jusqu’ici, les rennes du pouvoir en Haïti, semblent avoir manqué de l’une ou l’autre de ces vertus ; de l’une ou l’autre de ces qualités, au point d’échouer à chaque fois dans leur mission, de retomber également, dans les mêmes erreurs et de faire de l’espace de leur gouvernance, une scène statocratique de culte du moi et de représentation de leur délire mégalomane. Je ne cite même pas le pillage des deniers publics. Et le pays est là qui régresse et qui glisse à chaque fois, davantage vers le gouffre dans lequel il semble devoir chuter en définitive. Les mêmes histoires se sont répétées au fil du temps, dans le cours de l’égrènement des noms de leaders toutes souches et tous credo, sur le chapelet incommensurable des misères d’Haïti. Pas la peine de remonter à plus loin que les Duvalier, père et fils pour qu’en introspection rétrospective, nous ayons à reconnaître que la marche à reculons du pays emprunte une courbe sinusoïdale, mais se poursuit sûrement dans sa dégringolade vers le néant. Qui peut en prétendre autrement ?
Or, un pays ne meurt jamais, à moins d’une catastrophe naturelle qui l’effacerait de la surface du globe. C’est connu. C’est son peuple et c’est son histoire qui se rapetissent, se déshonorent, s’avilissent. De même que c’est son peuple qui, par ses choix, par sa gestion de la chose publique, par le renforcement des liens sociaux à travers une démarche sociale éclairée, des structures environnementales tournées vers l’intérêt collectif, une planification économique et enfin un projet politique rationnel, lui assure un niveau de développement appréciable… Tout vient de l’Humain, passe par lui, rejaillit sur lui, et de même sur son environnement. Alors, ne serait-il pas temps pour nous de comprendre que le pays n’a pas d’oreilles pour entendre les tirades idéologiques de quelque nature qu’elles soient. Un credo, une idéologie, n’ont de réelle valeur que dans les fruits qu’ils portent en termes d’humanisation, et à travers les réalisations humaines et matérielles auxquelles leur caractère judicieux donnerait naissance. Et, là encore, il en faut de très peu pour passer du soi-disant endoctrinement au fanatisme le plus dangereux. Alors, laissons les doctrines dans tous les beaux livres et les discours mirobolants qui en parlent, et nous, faisons du défi d’actes pensés et utiles au développement humain, environnemental et sociopolitique en Haïti, notre seule et unique doctrine. Haïti a faim. Haïti a soif. Haïti n’à que faire des mots… Haïti est dans l’attente de faits probants qui puissent la régénérer. Haïti n’a que faire d’un nationalisme verbal pompeux…Elle attend sa mise en route vers le progrès et sa résurrection par des citoyens conscientisés et responsables. Des Haïtiens. Le pays a les yeux bandés par l’analphabétisme et l’absence d’esprit civique des trois-quarts de sa population dite éduquée. Le pays s’écroule sous le poids de la division, de l’aigreur et de la hargne qui installe une parodie d’unité en segments inégaux et éphémères, parmi ses enfants. Si vraiment nous nous soucions du devenir du pays que nous avons su si bien détruire dans son essence même, disposons-nous encore de temps pour nourrir toutes ces chicanes émergeant de droite, comme de gauche, et qui opposent ridiculement: Trop longue serait la liste…s’il fallait la compléter. Mais, que d’antagonismes dans un si petit pays ! Que d’axes de division et de destruction, au sein de ce qui devrait constituer une nation ! Que de zones abruptes à aplanir pour qu’enfin l’Haïtien apprenne à s’aimer assez, pour ce qu’il est et à cultive l’estime de soi, le respect réciproque, et l’acceptation de l’autre qui vit près de lui dans toute sa différence ? Si vraiment nous aspirons à travailler au relèvement du pays, avons-nous encore assez de temps à gaspiller à nous acharner dans une lutte qui dégrade, Haïti, à travers nous-mêmes. Une lutte qui déshonore le pays parce que considéré à travers le prisme de notre indignité de peuple. Non ! Nous n’avons pas davantage de temps à perdre. Il me semble bien qu’étant donné l’urgence et la gravité de la situation, Haïti devrait à ce jour, représenter un immense chantier sur lequel nous nous pencherions avec un réel intérêt collectif, chacun dans sa sphère d’action : du plus fortuné au plus pauvre, du plus savant à l’inculte…Chacun pouvant être utile à son pays, dans les limites de ses possibilités intrinsèques. Point, n’est besoin d’être aux commandes du pays pour lui être utile ! Du citadin au paysan, de l’Haïtien du dedans à celui de la diaspora, du président de la république, au chef de section, du paysan notable, au pauvre cultivateur…la tâche est là, et qui attend d’être entamée…par nous tous. Jusqu’à quand assisterons-nous en : impuissants, lâches ou indifférents, à ces petites, toutes petites chamailleries qui nous distraient des vrais problèmes à analyser, de la recherche d’une quelconque solution qui apporterait enfin un renouveau sous le ciel de notre pays, et qui ferait de nous_ cette communauté de parias aux yeux du monde entier_ à nouveau, un peuple apprécié, respecté.., un peuple qui s’impose par la grandeur de son idéal et de ses réalisations, par l’éclat de ses actes et par la beauté de son histoire re ennoblie. Un peuple, constitué d’hommes et de femmes dignes de ce nom…, de « Vrais » ? Ne parviendrons-nous jamais à mettre en échec ce fameux dicton qui affirme que : « Depi nan Ginen, nèg rayi nèg. » ? La honte pèse lourdement, très lourdement sur mes épaules… Pas sur les vôtres ? Que lèguerons-nous à nos enfants, comme terre, comme Alma Mater ? Mais, arrêtons nos dérapages gratuits, pour commencer enfin, et pas trop tôt, à amputer le mal, exactement là où siège la gangrène de division, d’individualisme et de haine…, en nous-mêmes ! Je nous accuse ! |
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Carmelle St.Gerard-Lopez Août 2009 |